Selon l’UNESCO, « dans son sens le plus large, la culture peut aujourd’hui être considérée comme l’ensemble des traits distinctifs, spirituels, matériels, intellectuels et affectifs, qui caractérisent une société ou un groupe social. Elle englobe, outre les arts, les lettres et les sciences, les modes de vie, les lois, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances ».
La France dispose de richesses culturelles et artistiques exceptionnelles qu’elle doit autant à l’un des patrimoines les plus denses et fastueux au monde, à la place singulière que sa langue et ses penseurs occupent dans l‘humanité, qu’à la vitalité de sa création contemporaine. Elle est aussi pionnière en terme de soutien public en faveur des arts et de la culture, ainsi que pour la densité territoriale de ses équipements et la variété des acteurs culturels.
La filière culturelle et créative est aujourd’hui une combinaison complexe de politiques variées, de types d’institutions et d’organisations polymorphes reparties sur les territoires, ainsi que de modèles économiques puissants et hybrides. Intégrée de manière croissante dans des continuum socio-économiques, elle est également le creuset d’enjeux professionnels qui ont évolué avec le temps et sa structuration. La culture est enfin le lieu d’interactions permanentes et croisées, entre différents types d’opérateurs comme avec les personnes qui la partagent.
Bien loin des clichés liés aux saltimbanques ou au “star-system”, la culture présente ainsi un très haut niveau de structuration et de complexité qui mérite d’être mis en exergue à travers quelques données significatives.
La Culture – Système Complexe
- 1- La politique Culturelle
- 2- Equipements et maillage territorial
- 3- Pratiques Culturelles
- 4- Poids et Modèles économiques hybrides
- 5- Professionalisation, emplois et formation
- 6- Interactions
Elle a la charge de protéger, de valoriser et de faire rayonner la culture, qui reste pour la France un atout incomparable, source de fierté - voire de cohésion - nationale et de prestige international.
La politique culturelle moderne a été façonnée autour de l'accessibilité des "oeuvres capitales de l’humanité", du développement de l’audience patrimoniale et de la création des "oeuvres d’art et de l’esprit", portés par André MALRAUX. L’ouverture de la culture au plus grand nombre, devenue "démocratisation culturelle (puis "démocratie culturelle"), perdure comme objectif majeur du Ministère de la culture depuis, sans être véritablement atteint
L’arrivée du numérique a boulversé les pratiques depuis une vingtaine d’années, et nécessite des positionnements publics nouveaux. La langue française est en déclin (en attendant l’avènement de l’explosion démographique africaine qui devrait la placer en seconde langue mondiale ), le rayonnement de la culture et des créations françaises subit les assauts de la compétition internationale, et la domination des industries culturelles anglo-saxonnes oblige les politiques culturelles à revendiquer un statut "d’exception".
En cette période où la place de la France au sein du jeu international et son statut de puissance économique sont fragilisés, la culture reste pourtant un pivot de l’identité collective et un atout majeur d’influence. Néanmoins elle traverse une situation tendue dans son ensemble. Raison pour laquelle les politiques culturelles, reléguées progressivement au second plan au niveau national et sur les territoires, doivent retrouver un sens stratégique et renouveler profondément les structures et les instruments issus de schémas anciens, dans des cadres budgétaires de plus en plus contraints.
a. Financement de la culture
En 2018, le financement public de la culture se répartit de la manière suivante : 3,6 milliards d’euros pour le Ministère de la Culture en 2018 : 25% pour les patrimoines, 22% pour la création et la diffusion, 15% pour les médias et industries culturelles, 38% pour la transmission des savoirs, la recherche et l’enseignement. Auxquels s’ajoutent 4,3 milliards d’euros pour la culture dans les autres ministères (Éducation nationale, Armées, Enseignement supérieur et recherche, Affaires étrangères, etc.).
Les dépenses culturelles des collectivités territoriales s’élèvent à 9,3 milliards d’euros, soit 143 euros par habitant en 2014. L’ensemble des communes et de leurs groupements réalisent plus des trois quarts du total des dépenses culturelles des collectivités territoriales (77%, soit 7,2 milliards d’euros). Les départements contribuent à hauteur de près de 1,4 milliard d’euros (15%) et les régions pour un peu moins de 800 millions d’euros (8%). Pour la première fois, la contribution des communes de 3 500 à 10 000 habitants et de leurs groupements à fiscalité propre a pu être prise en compte dans l’enquête : leurs dépenses culturelles représentent près de 1,1 milliard d’euros.
L’effort culturel des communes et de leurs intercommunalités, soit la part financière que les collectivités consacrent à la culture dans leurs budgets globaux, est plus élevé en moyenne que celui des départements et des régions, respectivement 7,5%, 1,8% et 2,7%.
La majorité (56%) des dépenses culturelles territoriales bénéficient au soutien à la création et à la diffusion artistique (pour 5,2 milliards d’euros), la conservation et la diffusion patrimoniale recevant près de 40% des dépenses totales (soit 3,6 milliards d’euros). Communes et intercommunalités financent en priorité les équipements et services culturels de proximité pour leurs habitants, comme en témoigne l’importance des dépenses consacrées aux bibliothèques et médiathèques, à l’action culturelle et à la création et diffusion des spectacles vivants (musique, art lyrique, danse, théâtre…) dont une partie est dévolue aux établissements d’enseignement artistique (conservatoires, écoles d’art, etc.).
Dotés d’une compétence obligatoire en matière d’archives et de bibliothèques départementales, les départements orientent leurs dépenses culturelles vers les patrimoines. Les régions, enfin, consacrent plus des deux tiers de leurs dépenses culturelles totales aux activités culturelles et artistiques, essentiellement sous forme de subventions.
Si les dépenses culturelles des collectivités territoriales sont dans l’ensemble relativement stables depuis 2010 (+1% à champ constant), elles n’ont pas évolué de la même façon selon les collectivités : les régions (+ 6%) et surtout les intercommunalités (+26 %) ont été dynamiques, tandis que les dépenses culturelles des communes et celles des départements ont en revanche diminué (respectivement – 2% et – 9%).
On note toutefois une érosion des budgets publics alloués à la culture, et les collectivités ont vu leurs moyens affaiblis suite à la réforme fiscale et la baisse des dotations de l’Etat. De plus la nouvelle génération d’élus se révèle moins acquise à la cause culturelle.
Philippe HENRY indique que « loin d’un régulation concertée, chaque filière artistique a surtout empiriquement organisé la sienne sur la base d’une logique de production et de diffusion. Le caractère fondamentalement artisanal du spectacle vivant aboutit ainsi à un mode de fonctionnement qui comporte de sensibles différences avec des filières plus industrialisées, comme celles du spectacle enregistré (cinéma et audiovisuel). Cette régulation sectorielle a plutôt été validée et amplifiée par les différentes politiques culturelles publiques qui ont été mises en oeuvre, tout particulièrement dans les années 80. La priorité de l’aide publique a porté sur l’accompagnement de chaque filière, dans laquelle l’offre a été érigée en pôle directeur. » Il importe désormais que ce modèle de soutien public soit réinventé, dans des cadres de négociations co-construits avec l’ensemble des parties prenantes.
b. Législation et protection de la création
Corollaire de la politique culturelle, la Loi est une expression de l'intérêt général et un outil fondamental de l'action de l’Etat et des collectivités. Mais nombre de traités internationaux, lois organiques, règlements, actes - de droit commun, transversaux ou spécifiques - français et européens, règlent l’organisation et les actions de la filière créative et constituent le modèle culturel français. Ces normes sont à la fois garantes de sa protection et déterminent le champ de ses obligations et responsabilités.
Ainsi, ces dernières années, une vague de lois a vu le jour qui réorganisent le secteur culturel et ouvrent des fenêtres d'opportunités. Nouvelles régions (loi NOTRe), création des métropoles et introduction des droits culturels dessinent une nouvelle éthique de coopération.
Promulguée le 07 juillet 2016, la loi relative à la liberté de création, à l’architecture et au patrimoine (LCAP) a pour objectif de renforcer et moderniser et pérenniser notre modèle culturel dans les secteurs de la musique, du cinéma, du livre, du patrimoine, de l'éducation artistique et de l’architecture : médiateur de la musique, comptes de production et d’exploitation du cinéma, dispositions patrimoniales et premiers "domaines nationaux", conseil national de l'enseignement supérieur et de la recherche artistiques et culturels, code de la propriété intellectuelle adapté aux personnes handicapées, label "architecture contemporaine remarquable", conseil des architectes et règles de construction, ont fait l’objet d’un échéancier et de textes d’application pour préciser l'ensemble du dispositif légal.
Il est encore tôt pour dresser un bilan de celle-ci, mais la consécration du référentiel des droits culturels, que nous développerons ultérieurement, peut représenter un basculement idéologique et structurel important, tant au sein des institutions que dans les organisations du secteur.
Parmi les enjeux légaux de la filière créative, celui de la propriété intellectuelle revêt bien sûr une place toute particulière au regard du développement numérique, et face à la pression de groupes mondialisés dominants.
Voici quelques données concernant les droits d’auteur et droits voisins en France , où la population des artistes a doublé en 15 ans : 15 400 étaient affiliés à l’Agessa et 25 200 à la Maison des artistes en 2014 contre respectivement 7 000 et 13 100 en 1997. Les 10% d’artistes les mieux rémunérés parmi les affiliés de l’Agessa concentrent la moitié des revenus déclarés, et 42% pour les ceux de la Maison des artistes.
Les droits perçus collectivement par les sociétés de perception et de répartition des droits (SPRD ou Organismes de Gestion Collective) ont été multiplié par 2 en vingt ans et représentent 1,7 milliard d’euros au titre de la rémunération du droit d’auteur, en croissance de 2% en 2016. 84% des perceptions par les SPRD correspond aux droits d’auteur et 16% aux droits voisins qui représentent 340 millions d’euros collectés en 2016. Les éditeurs de livres ont quant à eux versé 470 millions d’euros de droits d’auteur sur la même année.
Les politiques culturelles se doivent d’être un garant fiable de la protection intellectuelle, afin de préserver l’efficacité des mesures pour corriger le transfert de valeur et assurer une meilleure rémunération des créateurs. La réforme du droit d’auteur/copyright, proposée par Bruxelles, fait actuellement l'objet d’âpres discussions au Parlement européen et demandera à être suivie de près par la force publique.
Considérer les politiques culturelles et leurs administrations, c’est aussi prendre en compte des cadres, des procédures, des méthodes et des processus spécifiques à l‘action publique, ainsi qu'un tissu d’interdépendances, de collaborations et de structures. Il s’agit également de développer des coopérations entre des acteurs multiples dotés de statuts divers. Aujourd'hui, la conduite de ces politiques publiques suppose de nouveaux partenariats entre secteur privé et secteur public, avec un rôle central de la société civile, elle-même multipolaire.
L’intégration du changement dans les politiques culturelles est pourtant difficile et leur évolution jusqu’alors a surtout été marquée par des visions principalement cumulatives. Or, dans la situation de saturation qui caractérise ces dernières années, il y a un impératif à fonctionner différemment.
En 2003, Jacques RENARD considérait déjà que « la politique culturelle née au début de la Vème République a des acquis importants : démocratie culturelle (encore à revoir), maillage du territoire, avec un réseau dense d’institutions et d’acteurs, ensemble des champs culturels pris en compte (même si inégalement), et une demande de culture exprimée partout. Mais ce cycle est en voie d’achèvement, car la politique culturelle s’appuie sur les mêmes catégories d’institutions progressivement mises en place, sur les mêmes modalités de soutien et rencontre donc les mêmes obstacles et les mêmes limites, alors même que les mutations à l’oeuvre sont nombreuses. »
Pour Bernard LATARJET « la double vocation du modèle de politique culturelle française, équilibre entre une ambition émancipatrice et créatrice, a très peu évolué depuis Malraux. Cependant, les conditions d’application du modèle ont été bouleversées, entre la globalisation sous toutes ses formes (pas seulement économique mais aussi démographique, avec le développement du multiculturalisme), la crise des institutions traditionnelles d’éducation et d’intégration – l’école, le parti, l’Église – l’individualisme de masse avec l’avènement des nouvelles technologies et l’accroissement des inégalités, les phénomènes de replis identitaires et de rejet des élites. Ces transformations sociales n’ont pas été accompagnées par des adaptations de politiques culturelles, que ces bouleversements rendaient pourtant nécessaires. Cette crise sociale conduit un nombre croissant d’opérateurs culturels à remettre en cause leur mission et l’efficacité des entreprises qui relèvent des financements publics » .
Gouverner c’est décider, et pour impulser une politique innovante, il importe d'avoir d'une part une analyse fine et une vision globale du secteur, et d’autre part de savoir remettre en question les modèles existants, autour d’un choix structurant.
La décentralisation des compétences conduit à des coopérations nouvelles entre différents niveaux de territoire et suppose de nouvelles coordinations. Une action publique polycentrique et multi-niveaux, au nom de l'intérêt général et du bien commun, n'est pas seulement mise en oeuvre par des représentants politiques élus ou leurs administratifs mais résulte d'acteurs variés - parmi lesquels la société civile - selon de nouvelles modalités. Autant d’enjeux que la politique culturelle doit incarner pour se réformer, afin de porter une vison stratégique pour la culture et accompagner sa nécessaire mutation.
Pour le spectacle vivant , les types de structures se répartissent ainsi : 5 théâtres nationaux, 38 centres dramatiques nationaux et régionaux, 19 centres chorégraphiques nationaux, 13 centres nationaux des arts de rue, 12 pôles nationaux des arts du cirque, 6 centres nationaux de création musicale, 71 scènes nationales, 97 scènes de musiques actuelles, 150 théâtres de ville, 15 opéras, 28 orchestres nationaux ou régionaux, 17 zéniths, 150 cabarets / music-halls et près de 900 prestataires de services techniques du spectacle et de l’événementiel.
Focus :
Les seuls spectacles de musiques actuelles et de variétés ont compté en 2016 70 300 représentations, dont 63 339 payantes (+9%), pour un public de 26,7 millions de personnes. Selon la base de données de l’IRMA , les activités professionnelles du secteur musical en France regroupent 5 919 artistes ou groupes, 1 833 festivals, 1 679 clubs et salles de concerts, 1 295 entrepreneurs de spectacles, 1 060 prestataires et techniques du spectacle, 1 235 maisons de disques et labels, 93 distributeurs, 392 éditeurs musicaux, 956 organismes de formations,153 structures de management, 415 agences de communication, 166 attaché.e.s de presse, 688 radios et 368 startups de la musique.
En terme de typologie, pour la FEDELIMA , qui fédère la majeure partie des lieux de musiques actuelles, 75% des lieux sont dédiés aux musiques actuelles, 12,5% ont des projets pluriactivités et/ou pluridisciplinaires, 5,45% accueillent et accompagnent des pratiques artistiques, 7,1% des projets dédiés aux musiques actuelles le font sans équipement fixe. Avec une jauge moyenne de 553 places, 69,6% officient en milieu urbain, 19,6% en milieu urbain en environnement rural, 10,7% en milieu rural, et 56,7% des structures adhérentes sont labellisées SMAC .
Toutefois, l’ensemble des ces équipements, lieux, structures subit la tourmente qui agite la filière, questionnant les équilibres et engageant la pérennité de certains d’entre eux. Pour exemple, les saisons culturelles (des lieux institués) couvrent péniblement deux périodes annuelles : de mi-septembre à début décembre, puis de mi-janvier à début mai, soit moins de huit mois sur douze, avec des équipes opérationnelles et des charges de structures qui pèsent tout au long de l’année sur les budgets. Certains ont entamé des évènements hors les murs en été par exemple, mais qui ne solutionnent pas les équilibres économiques.
En 2015, l'Humanité notait déjà : « à ce rythme d’économies appliquées au pas de charge, c’est le droit jusqu’ici fondamental de chaque citoyen à partager une aventure artistique et humaine unique qui sera annihilé. S’aventurer au théâtre, pousser les portes d’une bibliothèque, assister à un concert de jazz sous les pommiers, flâner dans les musées ne sont plus des objectifs prioritaires. La réforme des collectivités territoriales et le désengagement de l’État accélèrent ce processus de délitement qui faisait de la France, jusqu’alors, le pays dont le rayonnement culturel dépassait ses frontières… » .
En 2016 , les Français sont 42 millions à être allés au cinéma, les cinq théâtres nationaux enregistrent près de 764 000 entrées pour la saison 2015-2016, les 70 scènes nationales plus de 2,4 millions d’entrées, 16% de la population française est inscrite dans une bibliothèque. Parmi les 88% d’internautes que compte aujourd’hui la population française, huit sur dix ont consommé des biens culturels sur internet au cours des douze derniers mois (information, achat de produit culturel, lecture d’articles…) : 61% pour lire des articles de journaux en ligne, 48% pour écouter la radio ou de la musique, 33% pour visiter le site web d’un musée ou d’une bibliothèque, 31% pour acheter des produits culturels.
La France se situe au-dessus de la moyenne européenne pour la participation de sa population aux pratiques et activités culturelles, dans le peloton de tête avec l’Allemagne et la Grande-Bretagne mais derrière les pays scandinaves et les Pays-Bas
Dans l’étude de 2016 sur la démocratisation culturelle commandée par le Premier Ministre , la culture est ainsi considérée comme « un univers de représentation complexe et fortement ambivalent : la culture renvoie pour tous à une notion d’apprentissage forte qui ouvre la voie à considérer qu’en un sens "tout peut être culture", même si une frontière est tacitement posée entre culture et divertissement ».
La culture, en tant qu’apprentissage, renvoie à l’acquisition de connaissances sur l’histoire et sur le passé pour connaître ses origines et s’enrichir, afin de mieux évoluer dans le monde contemporain. Mais aussi, plus largement, à l’acquisition de connaissances sur n’importe quel sujet donné pour se perfectionner, ainsi que pour augmenter ses capacités de compréhension et sa maîtrise de ce sujet. La culture relève aussi des connaissances acquises dans le cadre professionnel qui permettent la montée en compétences et l’expertise dans un domaine. Le terme renvoie encore à l’acquisition de connaissances sur soi-même « se cultiver c’est s’enrichir personnellement, se doter de moyens pour comprendre le monde et les autres, pouvoir échanger, discuter, argumenter et mieux évoluer socialement ; en cela, la culture est à la fois un vecteur de développement personnel mais aussi un vecteur de socialisation et de liens » .
La culture est également vue comme un « ensemble de connaissances, traditions et valeurs communes d’un pays ou d’un territoire local qui forme un socle identitaire et participe du vivre ensemble. » La pratique d’une activité culturelle est en effet éminemment sociale : les personnes rencontrées font rarement une activité culturelle seules ; elles pratiquent souvent des activités parce qu’elles leur sont recommandées par leur entourage qui s’avère ainsi très prescripteur ; avoir des enfants est un levier fort de la pratique culturelle, ce qui s’explique par le fait que les parents associent culture et apprentissage. Enfin, la pratique d’une activité culturelle vient, par la suite, alimenter les discussions avec ses proches.
Le tableau des pratiques culturelles reste cependant contrasté, avec une appétence pour la culture qui ne se dément pas, mais dont les modes d'accès ont été bouleversés par l’offre numérique.
En terme de consommation culturelle en 2016 les ménages consacrent 1,9% de l’ensemble de leurs dépenses aux biens et services culturels et 2,1% aux biens et services connexes. Les dépenses liées au livre et à la presse écrite sont en recul constant, avec 42% des dépenses en biens et services culturels ou connexes en 1980, contre 22% en 2016. En revanche, les dépenses pour l’équipement informatique (ordinateur et logiciel) sont passées de 2% en 1980 à 20% en 2016. 73 % des ménages français sont équipés d’un smartphone et 44% d’une tablette tactile en 2017.
Les dépenses consacrées aux sorties culturelles (spectacles, visites, musées) sont en hausse, de 6% en 1980 à 10 % en 2016, et celles des abonnements musicaux en flux (streaming) ont augmenté de 25% pour la seule année 2015, marquant le tournant d’une nouvelle économie culturelle en cours d’invention.
Le système culturel français est ainsi marqué par le double jeu de l’intervention publique et du marché et relève d’un schéma "d’économie plurielle" : à buts autres que lucratifs, les démarches ne sont économiquement réductibles, ni à l’échange marchand lucratif, ni au service public administré. Mais la volonté d’utiliser sans restriction de principe toutes les modalités et les ressources disponibles est perceptible.
La filière connait également une concurrence exacerbée et pour pérenniser une alternative durable aux seules logiques du marché, il est indispensable que le secteur culturel s'interroge sur ses propres contradictions : inégalités dans la répartition des ressources, fonctionnements économiques peu solidaires, écarts entre la générosité des discours et la réalité, problèmes de représentativité, etc. « Ce modèle économique attire l’attention sur le fait qu’un développement durable des mondes de l’art repose sur l’interaction systémique de rationalités économiques distinctes, mais complémentaires les unes vis-à-vis des autres. »
Le premier rapport officiel liant économie et culture date de 2013 et indique que « la valeur ajoutée des activités culturelles en France s’établit à 57,8 Md€, soit 44,5 Md€ d’activités spécifiquement culturelles et 13,3 Md€ d’activités indirectement culturelles. Cette somme, qui définit la "valeur ajoutée de la culture en France", représente 3,2% de la somme des valeurs ajoutées de l’économie française. C’est l’évaluation la plus proche de ce que l’on pourrait appeler le "PIB culturel" si ce dernier terme ne soulevait certaines réserves méthodologiques de définition. » A cette date, la culture contribue 7 fois plus au PIB français que l'industrie automobile avec 57,8 milliards d'euros de valeur ajoutée par an, alors que son coût total pour la collectivité approchait 21,5 milliards d'euros.
En 2016, la culture (sans "les activités indirectement culturelles") représente 2,2 % de l’économie française, avec un chiffre stable de 44,5 milliards d’euros de valeur ajoutée pour l’ensemble des branches culturelles.
L’audiovisuel, première branche culturelle, concentre 29% de la valeur ajoutée du champ de la culture, en croissance en 2016 (+ 2,5%). L’édition de musique enregistrée connait une croissance de 5% pour la première année depuis les années 2000, et les arts visuels (design et arts plastiques en particulier) de 4%. Sont en baisse la presse (– 4%), le spectacle vivant (– 1,8%) et le patrimoine (– 1,2%).
Les dépenses fiscales représentent 1,6 milliard d’euros : 48% pour l’audiovisuel public, 21% pour le programme Livre et industries culturelles, 11% pour le programme Presse, 13% pour le programme Patrimoines et 8% pour le programme Création. Auxquelles s'ajoutent 750 millions d’euros issus de taxes affectées payées par les dépenses des ménages et les entreprises.
Focus
En 2015, l’audiovisuel et le spectacle vivant restent les deux premières branches culturelles en termes de poids économique et représentent, ensemble, 44% de la valeur ajoutée des branches culturelles .
A lui seul, le cinéma a accueilli 42 millions de spectateurs, soit 68% de la population qui sont allés au moins une fois au cinéma dans l’année en 2016. 75 millions de spectateurs son allés voir les films français (+ 4%) et 111 millions de billets ont été vendus pour les films américains.
En 2017 les dépenses en production des 217 films agréés par le Centre National du Cinéma représentent 1 milliard d’euros, 133 films ont bénéficié du crédit d’impôt cinema pour 91,09 millions d’euros, et 780,56 millions d’euros des dépenses ont eu lieu en France. Près de 86% de ces films sont des fictions, dont le coût moyen est de 5,20 millions d’euros et pour lesquels les rémunérations représentent 57,8% du budget, la technique 10,5% et les frais de tournage 31,7% ; les principaux postes de dépenses étant les coûts de personnel (21%), les cotisations sociales (12,3%), l'interprétation (10,4%) et les transports-défraiements-régie (10,3%).
Les 63 339 spectacles de musiques actuelles et de variétés en 2016 , représentaient 24,4 millions d’entrées payantes (+6%) et 813 millions d'euros de recettes de billetterie (+7%).
Des secteurs ont su tirer parti du support numérique, à l’instar du jeu vidéo (70% des français âgés de 10 à 65 ans jouent occasionnellement à des jeux vidéo, plus d’un français sur deux jouent au moins deux fois par semaine. 19 millions de jeux vidéo ont été vendus sur support physique en 2016, pour un chiffre d’affaires de 793 millions d’euros), tandis que d’autres comme la presse écrite, sont en crise structurelle (5,3 milliards d’euros de valeur ajoutée pour la branche de la presse écrite en 2016, contre 7,2 milliards d’euros en 1995) et peinent à adapter leur modèle aux nouveaux modes d’accès à l'information et à la culture. Ce sont ainsi 6,3 milliards d’euros d’investissements publicitaires qui ont eu lieu dans les différents médias, dont 3,5 milliards d’euros sur Internet, qui supplante pour la première fois la télévision .
Au delà de ces données, Philippe HENRY analyse que « la modification des modèles de production, de valorisation et d’appropriation d’une offre culturelle toujours plus abondante – on parle désormais d’une situation d’hyperoffre – devient toujours plus prégnante, entre autres quand on s’intéresse aux jeunes générations pour lesquelles le numérique joue, par ailleurs, un rôle structurant. Simultanément, la dimension économique et entrepreneuriale s’exacerbe dans des filières d’activité désormais très professionnalisées où la marchandisation (…) s’introduit en force dans les nouvelles formes d’échange, comme l’indiquent les évolutions à l’œuvre dans les réseaux sociaux ou les plateformes numériques collaboratives ».
Pour l’Union Européenne, de nouveaux acteurs sont entrés dans le marché et les frontières entre les chaînes de valeur créatives et les autres chaînes de valeurs tendent à s’estomper. « Ce processus d’effacement des frontières est d’autant plus renforcé par la façon relativement récente de repenser le rôle de la culture, des arts et de la créativité dans une société complexe et en transition, confrontée à différents défis mondiaux qui exigent des approches multidisciplinaires innovantes. »
37% des actifs exerçant une profession culturelle travaillent en Île-de-France, les professionnels des spectacles et ceux des arts visuels forment 66% des effectifs des professions culturelle et 43% des professionnels de la culture sont titulaires d’un diplôme de niveau bac +3 contre 22% pour l’ensemble des actifs, ce qui traduit un haut niveau de technicité.
L'enseignement supérieur Culture est composé de 106 établissements d’enseignement supérieur sous tutelle du ministère de la Culture, dont 20 écoles nationales supérieures d’architecture, 35 500 étudiants (dont 18 100 dans les écoles d’architecture), 11 700 diplômés en 2016 (dont plus de la moitié dans la filière architecture).
87% des diplômés insérés sur le marché du travail sont en activité trois ans après l’obtention de leur diplôme, et 78% dans le champ de leur diplôme. Le taux d’insertion dépend de la filière et du sexe : les étudiants d’architecture (89%) et les hommes (94%) sont les mieux insérés.
Focus
Pour considérer le spectacle vivant , qui demeure le secteur le plus structuré et outillé en termes statistiques et d'analyse, 103 663 employeurs ont développé des activités de spectacle vivant à titre principal ou non principal, et 82 764 employeurs hors secteur professionnel exercent une activité de spectacle vivant à titre non principal. La masse salariale sociale déclarée par les employeurs est de 1,68 milliards d’euros pour 223 435 salariés.
20 899 entreprises ont le spectacle vivant pour activité principale en 2016, soit 8 815 employeurs relevant du secteur public (42%, pour 115 667 salariés), 11 158 employeurs relevant du secteur privé (53%, pour 115 175 salariés) et 926 employeurs relevant de la prestation de services techniques du spectacle vivant (4%, pour 23 760 salariés). Elles ont employé un total de 200 244 salariés : 33% de permanents et 67% d'intermittents. Les artistes interprètes représentent 45% des effectifs, les personnels techniques ou administratifs non cadres 44 % et les personnels artistiques techniques ou administratifs cadres 11%.
Si le nombre d'employeurs est en légère baisse par rapport à 2015 (-0,9 %), les effectifs de salariés sont en augmentation (+2,5 %) ainsi que la masse salariale (+5,9 %). L’effectif moyen de salariés par employeur est de 21 salariés.
La multi-activité des salariés dans d'autres secteurs professionnels connexes (audiovisuel, cinéma, éditions phonographiques), dans l'animation socioculturelle pour les emplois d’enseignants ou encore dans la fonction publique territoriale, est relativement fréquente pour les salariés en contrat à durée déterminé d’usage (CDDU), notamment les artistes et techniciens, qui peuvent exercer dans ces différents secteurs.
En 2018, un Guide des Métiers du Spectacle Vivant rassemble des référentiels - outils de connaissance des métiers - qui décrivent les principaux métiers administratifs, artistiques et techniques. « Pour chacun d’eux, ils permettent d’identifier précisément leurs missions, activités, responsabilités, compétences, place dans l’organigramme de l’entreprise, positionnement catégoriel, parcours possibles pour exercer, éléments de variabilité et évolutions. Ils constituent des standards de référence, qui précisent les spécificités des métiers, ce qui permet de les différencier les uns des autres, et leurs invariants qui demeurent quel que soit le contexte d’exercice. Photographie datée et nécessairement imparfaite, du fait de la diversité des contextes et des pratiques, les référentiels métiers doivent être actualisés régulièrement afin de suivre les évolutions de l’environnement de travail. Le chantier est donc sans fin mais indispensable pour reconnaître les métiers à leur juste valeur, organiser la co-activité et anticiper l’avenir : penser les identités professionnelles pour créer du commun. »
406 formations professionnelles qualifiantes et/ou certifiantes préparent aux métiers du spectacle vivant, 53% artistiques, 32% techniques et 15% administratives. 215 formations sont proposées par des organismes de formation, publics ou privés, 87 formations sont proposées par le Ministère chargé de la culture (dont 25 DNSP) et 76 par le Ministère chargé de l’enseignement supérieur. Tous domaines confondus, on compte 4 formations de niveau V (toutes techniques), 70 formations de niveau IV (dont 38 techniques), 118 formations de niveau III (dont 77 artistiques), 52 formations de niveau II (dont 34 artistiques) et 46 formations de niveau I, dont 21 administratives.
Il importe aujourd’hui de mettre en relation les réalités de l’emploi dans la filière culturelle et créative et les formations, afin de maintenir un haut niveau de qualification, qui revêt un caractère exceptionnel à l’échelle internationale. Par ailleurs, au-delà des conventions collectives, les enjeux de gestion des ressources humaines et plus globalement des approches de management méritent d’entrer de plein droit dans les pratiques, pour repenser la place des "talents" comme vecteurs de changements des organisations et du secteur dans son entier.
Intimement liée à la relation humaine, qu’elle soit centrée sur la création et son approche sensible ou bien de manière plus structurelle, la toile d’interactions au sein même du champ culturel, mais aussi en dehors de ses limites naturelles, est immense et complexe. Les liens - forts ou faibles - qui unissent et influencent réciproquement les entités culturelles et leurs partenaires, induisent des modifications permanentes de la sphère créative, sources d'idées et de mouvement continu.
« La complexité peut naître d'interactions simples répétées des myriades de fois à partir d'éléments en constante interaction. Un changement minime peut être amplifié et conduire à des états de très haute organisation (exemple des nuages). Avec les ordinateurs, la compréhension et la simulation des processus d'auto-organisation deviennent possibles (exemple des structures fractales). »
Les mécanismes autour de la formation de la demande, d'inégalités de fréquentation et du travail de créateurs au cœur de la formation de la valeur, sont communs à l'ensemble des branches culturelles et nécessitent une approche spécifique de la filière.
L’étude sur les chaines de valeurs de l’Union Européenne, parle « d'entrelacement et de convergence dans les chaînes de valeur créatives » : la collaboration entre les acteurs culturels et non-culturels n’a rien de nouveau et les secteurs culturels et créatifs sont présumés avoir une "culture de convergence ou de confluence" naturelle. Néanmoins, « le degré d’intégration et d’entrelacement des chaînes de valeur créatives avec les autres secteurs n’a pas toujours été si présent. La complexité grandissante des enjeux sociétaux et (la vitesse des) avancées technologiques ont été des facteurs importants dans ce processus » .
« Certains sous-secteurs des industries culturelles et créatives sont davantage sujets à une innovation entrelacée et intersectorielle (par exemple le secteur du jeu et de la télédiffusion), alors que d’autres dénotent un niveau relativement moins important d’ouverture à et d’intégration avec les secteurs non-culturels (par exemple l’artisanat ou les arts visuels) » .
L’impact profond du numérique sur l’ensemble de la filière ajoute un niveau de complexité, à la fois pour le politique et les organisations, dans l’évolution de leur pratique comme dans leurs représentations fondamentales, nécessitant de construire de nouvelles stratégies.
Cet ensemble « d'éléments humains et matériels en interdépendance les uns les autres et qui inter-agissent à l'intérieur de frontières ouvertes sur leur environnement » correspond en tout point à la définition du concept de "système" défendue par l'INCOSE (International Council on Systems Engineering).